Karlsruhe, une Saint-Petersbourg à l'allemande

Tourisme européen : en Allemagne

 


 

KARLSRUHE
"LE REPOS DE CHARLES"

 

17 juin 1715, au fin fond de la forêt, entre les bras du Rhin et la ville de Durlach, à deux pas de la frontière française la plus orientale, conquise par les armées du Roi Soleil quelques décennies plus tôt. La journée est à marquer d'une pierre blanche, puisque ce jour-là, le Margrave Charles-Guillaume de Bade-Durlach posait la première pierre de la tour octogonale de son nouveau palais tout entier dédié à son plaisir et à sa cour. L'ensemble serait entouré d'un gigantesque et paisible parc, avec de larges avenues et de belles perspectives, le long desquelles pourraient s'établir plus tard, habitations et services, pour faire naître une ville. Ce serait Carlsruhe, "le repos de Charles".

 
^ Une vue à vol d'oiseau du XVIIIè siècle de Carlsruhe.


C'est quelques décennies plus tard, avec le règne de Charles-Frédéric, qui s'étala durant plus de six décennies de 1746 à 1811, que Karlsruhe devint plus qu'un lieu de repos : sa cour acquit une réputation à l'échelle européenne, grâce à l'ouverture sur les Lumières et au despotisme éclairé.  Puis en 1806 fut décidée l'érection de Karlsruhe comme capitale officielle de la Bade, devenue Grand-Duché avec la bénédiction de Napoléon, et donc qu'autour du Schloss serait érigée une ville nouvelle et idéale en remplacement de Baden-Baden, dont la situation, blottie entre les monts de la Forêt-Noire, se prête fort mal à la réalisation de belles perspectives susceptibles d'éblouir et d'impressionner le visiteur comme le peuple lui-même. La première ville le Carlsruhe ne comptait en 1750 qu'environ 2500 habitants, malgré divers privilèges d'édition et en matière de liberté religieuse, mais dès qu'elle devint capitale, Karlsruhe prit un remarquable essor démographique et industriel. Elle devint également une capitale des arts et de la culture.


Le Schloss, le château, coeur de la ville de Karlsruhe. La statue est celle de Charles-Frédéric Grand-Duc de Bade.


Dès 1825 naquit le Polytechnikum, ancêtre de l'université actuelle, et fondée sur le modèle de l'Ecole Polytechnique française. Elle ne reçut le titre d'Université qu'en 1865, par décision de Frédéric de Bade. Aujourd'hui encore, ses deux descendantes, Hochschule et Technische Hochschule (TH) possèdent une renommée à l'échelle de l'Allemagne toute entière. Ainsi, la TH reste la plus grande université technique du pays, accueillant 16.000 étudiants sur un campus de 67 hectares. Parmi ses étudiants les plus célèbres, citons Carl Benz -celui de "Mercedes-Benz"-, Karl-Ferdinand Braun, qui a donné son nom à une marque très connue d'électroménager, Prix Nobel et inventeur en 1897 du tube cathodique qui a fait les beaux jours des télés et écrans d'ordinateurs avant la révolution de l'écran plat, le physicien Herz qui a donné son nom à l'unité de fréquence, et d'autres physiciens ou chimistes célèbres tels Staudinger ou Haber qui ont tous deux reçu un prix Nobel pour le fruit de leurs recherches.
Dans le domaine des musées, l'amateur aura fort à faire pour en faire réellement le tour : entre le musée des Transports (Verkehrsmuseum), la Galerie Municipale (Städtische Galerie), le Musée d'Histoire naturelle (Naturmuseum), les Pfinzgaumuseum et Stadtmuseum, tous deux dédiés à l'histoire locale -le premier dédié à Durlach, le second à Karlsruhe elle-même- le Jardin botanique, le Musée National de Bade (Badisches Landesmuseum), la Majolika, qui retrace la production de majoliques depuis 1901 et la fondation de la manufacture ducale, le Museum beim Markt dédié aux arts du XXè siècle, puis enfin le ZKM (Zentrum für Kunst und Medientechnologie) tous les amateurs d'arts trouveront quelque visite à leur goût en venant à Karlsruhe.

L'amateur d'urbanisme retiendra lui, le plan général de la cité. Friedrich Weinbrenner (1766-1826), natif de la ville, fut choisi pour développer la ville nouvelle, en intégrant l'esquisse de plan circulaire établie en 1715. Pour ce faire, il prolongea les radiants partant du palais pour dessiner un éventail élargissant quelque peu le quart de disque délimité par les ailes du Palais.  Une perspective sur la tour du château sert en quelque sorte de cardo à la ville, c'est l'axe structurant principal Nord-Sud. D'Ouest en Est, la Kaiserallee court jusqu'à Durlach, et tangeante presque le boulevard circulaire. Au Sud de l'intersection de la Kaiserallee avec la perspective Nord-Sud, se développe le Marktplatz, qui concentre les principales institutions municipales : église protestante et Hôtel de Ville, tous deux dessinés dans un style néoclassique typique de l'époque et de l'oeuvre de F. Weinbrenner. Il a par ailleurs dessiné bien des nouveaux bâtiments de la cité : l'Hôtel de la Monnaie, dans la Stefanienstrasse, l'un des radiants, en est un exemple. Celle-ci a conservé sur une bonne portion, ses bâtiments d'époque, érigés entre 1826 et 1828 : tous mitoyens, avec gouttereau sur rue et chacun son porche permettant de passer en attelage, ils imitent un peu les fermes du ried allemand, à la façon des alignements de maisons que l'on trouve par exemple à Schwanau.

 

Ci-dessus l'Hôtel de Ville, ci-dessous le temple protestant, qui se font face sur le Marktplatz. A droite au bout de la perspective, l'on verrait le palais du prince : les trois piliers du pouvoir son réunis.


Plus tard, à la fin du XIXè siècle, se rajoutèrent encore d'autres monuments, dont l'Orangerie, construite entre 1853 et 1857 sous la direction de l'architecte H. Hübsch, convertie en 1925 en musée d'art après avoir satisfait aux bons plaisirs des courtisans. Le jardin zoologique ouvrit ses portes en 1865. Enfin, la Majolika, manufacture ducale de majoliques, nom générique donné à des faïences fines, fut fondée en 1901.

^ L'Orangerie.


Les bains, au Sud de la ville, en lisière du zoo. Alors que l'architecture générale s'inspire des bains romains, comme à Baden-Baden, la cheminée s'est travestie en minaret !


Puis arriva le temps des difficultés. D'abord, le Traité de Versailles priva la ville de son arrière pays alsacien-lorrain, ce qui porta un coup dur à son rayonnement industriel, tandis que la République de Weimar abolissait le pouvoir des princes. Karlsruhe cessa alors également d'être une ville de cour. Puis, un déluge de feu qui s'abbatit sur la ville à la fin de la Seconde Guerre mondiale, réduisant l'ancienne capitale en un tas de cendres et de ruines. 80% des bâtiments périrent sous les bombes et les balles en quelques semaines. Tout ou presque dut être rebâti, le château compris, et à bien des égards, la ville y perdit de son harmonie. Les reconstructeurs eurent bien sûr, le bon goût de rester fidèle à l'esprit de l'architecture d'origine. Le château, l'Hôtel de Ville entre autres, ont été restitués conformément à l'origine, mais l'unité n'existe plus réellement. Pour s'en convaincre, il suffit de se promener en bordure du Ring, boulevard circulaire le long du parc : il ne reste plus guère d'arcades d'origine...


Le Zirkel, en bordure du parc du château. Seules les arcades du premier plan sont celles d'origine.


Il reste néanmoins que la ville a su renaître de ses cendres avec vigueur. Le luxe est de retour, tandis l'héritage des margraves et grands-ducs, promoteurs de l'enseignement universitaire et technique et amis des arts, ont fait de la ville, l'un des centres les plus dynamiques d'Allemagne, se classant en cela, juste derrière Munich et Stuttgart. Pour le visiteur, les musées, les charmes des belles perspectives et des parcs sauront apporter bien assez de satisfactions pour ne pas lui faire regretter le détour.




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Voilà voilà voilà ! A la prochaine fois, François.

 

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