Wissembourg première partie

Tourisme en Alsace

 

 


ALTENSTADT
WISSEMBOURG

 

A la lisière des Vosges-du-Nord et du Palatinat, voici aujourd'hui Wissembourg, avec ses 9000 habitants, son ancienne abbaye, l'église paroissiale romane d'Altenstadt, ses remparts et ses vieilles ruelles. Située à cheval sur la Lauter et traversée de nombreux canaux, elle se niche au fond d'un vallon précédant les collines tantôt boisées, tantôt escaladée par ce petit morceau de vignoble alsacien venu se perdre là, à presque cent kilomètres de la légion des derniers ceps du Kochersberg. A l'écart du coeur touristique de l'Alsace, plutôt centré sur les alentours de Strasbourg et Colmar, où s'exprime le plus le charme typique de l'Alsace avec ses vignobles et ses petites villes fortifiées, Wissembourg n'en répond pas moins exactement à cette description : moins impressionnante que Kaysersberg, moins parfaite que Riquewihr mais aussi oubliée que Sélestat, elle mérite néanmoins une visite qui ne saurait décevoir. Laissez vous convaincre !


Mais avant de visiter, et comme à l'accoutumée, une petite page d'histoire.
C'est au VIIè siècle que Wissembourg et son abbaye trouveraient leurs racines : selon la légende, ce serait le Roi d'Austrasie Dagobert Ier, qui aurait promu la fondation de "Uizunburc". L'histoire de l'abbaye et celle de la ville seraient confondus pour plus d'un millénaire : c'est avec son remarquable succès, jusqu'à recueillir plus de 200 km² de terres et acquérir le statut de principauté d'Empire, dotée et protégée par les dynasties impériales des Saliens puis des Hohenstaufen que Wissembourg sut forger sa puissance. Alors qu'au XIè siècle, fut érigée une nouvelle église pour l'Abbaye, dont il reste aujourd'hui encore le clocher-beffroi, la cité fut évoquée pour la première fois comme ville fortifiée et ville d'Empire en 1178, ce statut la dotant d'une voix sur les bancs de la diète, signe de prestige et marque d'indépendance face aux seigneurs environnants. Au courant du XIIIè siècle, la ville s'étendit par deux fois, d'abord vers le Bruch, le long du canal, en 1213, puis gagna le Bannacker en 1265. Ces quartiers nouveaux sont entourés par de nouveaux murs d'enceinte en 1410, qui forment sur un plan, les deux "oreilles" de part et d'autre du premier périmètre fortifié.
Comme toutes les villes puissantes, Wissembourg attira au courant des XIII et XIVè siècle, bon nombre de communautés monastiques, et ainsi, l'horizon de la ville se garnit d'impressionnantes nefs et de multiples clochers. En 1214, l'Ordre Teutonique ouvrit le cortège des installations, suivi par les Dominicains, les  Augustins puis les Franciscains.
En 1254, Wissembourg rejoignit la grande Ligue du Rhin, puis la Décapole alsacienne en 1354. Enrichie par le marché du vin et des draps, puissante sur le plan politique et influente sur le plan religieux, la ville connut alors son apogée. Plus de 3500 habitants se regroupaient derrière ses remparts au milieu du XIVè siècle, ce qui en faisait une des grandes villes du Rhin moyen.
A partir de là, Wissembourg ne changea plus guère jusqu'à l'époque moderne. Elle acheta encore Weiler et Schweigen en 1360, mais le tracé de ses murailles, ses limites et même son apparence générale ne changèrent plus vraiment. La Guerre de Trente Ans ravagea la contrée avec une force peu commune, tant et si bien qu'à la signature de la pais, la ville ne comptait plus que 140 habitants ! En 1677, la ville fut dévastée partiellement lors de combats pour la Guerre de Hollande. Soixante-dix maisons, les moulins et l'Hôtel de Ville périrent par les flammes.

Wissembourg à l'époque de son apogée, au XVIIè siècle. L'on voit bien l'espace clos de l'abbaye, dont le clocher aurait apparemment été tors, contrairement à aujourd"hui, la première enceinte, et les deux extensions de 1410. L'Hôtel de Ville est évidemment encore celui qui précède l'actuel.

 

Petit à petit elle sut néanmoins se relever, ce dont le bel Hôtel de Ville de grès rose, conçu en 1741 par Joseph Massol dans un style typiquement français, est un témoin. Les fortifications furent relevées et améliorées. Notons qu'en 1719, la ville reçut un habitant de marque : le roi Stanislas Leczszinski de Pologne, exilé de son pays, s'installa à Wissembourg où il fut reçu avec les honneurs militaires. En 1800, Wissembourg fut faite Sous-Préfecture par Napoléon. Depuis lors, elle vécut la même histoire que toute l'Alsace, de conquêtes en reconquêtes et en changements de nationalité, jusqu'à la construction européenne, qui tend à effacer cette frontière qui courut pendant trois cents ans aux abords de Wissembourg...


C'est à présent l'heure de faire un tour en photos. Avant d'aller nous promener dans le vieux centre de Wissembourg, faisons un petit crochet par Altenstadt, qui se trouve sur la route, que vous veniez de Haguenau, de Strasbourg ou de Karlsruhe.

Au coeur du village, l'église paroissiale veille sur ses paroissiens depuis le fond des âges, depuis presque un millénaire : elle date du XIè siècle. En réalité, Altenstadt est fort probablement la première Wissembourg : Drusus aurait en effet édifié sur ces lieux l'un des cinquante castra romains de défense des nouvelles terres conquises par l'Empire Romain peu avant notre ère. Le nom de Wissembourg aurait été récupéré à l'époque carolingienne, au moment où se développa autour de l'abbaye une nouvelle localité, par cette dernière plus puissante, et c'est alors que l'ancienne bourgade prit le nom d'Altenstadt, littéralement, "la vieille ville". L'église, dédiée à Saint-Ulrich, date du XIè siècle, et en  même temps qu'elle constitue le départ de la Route Romane d'Alsace, est l'un des plus anciens sanctuaires préservés en Alsace.

Signe de l'âge de l'église, celle-ci est encore entourée de son cimetière, coutume médiévale d'inviter la mort au plus près du sanctuaire et au coeur de la vie des vivants.


Contrairement à Sainte-Foy de Sélestat, plus tardive, l'église Saint-Ulrich reste encore largement dans la tradition architecturale carolingienne, avec une nef couverte non pas de voûtes, mais d'un simple plafond en bois. Elle fut érigée sur le plan traditionnel de l'époque, avec une nef principale, et deux collatérales plus basses, au fond, le choeur est encadré de deux chapelles, tandis que l'entrée est surmontée d'un clocher-porche. Les petites fenêtres ne laissent entrer qu'un éclairage tamisé ; tout est fait, dans les églises romanes, pour créer une atmosphère de recueillement dans la pénombre, sur laquelle tranche singulièrement la lumière et la majesté du style gothique.



 

Quelques retouches furent portés à l'architecture générale au cours des âges, le choeur fut reconstruit, les chapelles aussi. A l'aplomb du choeur fut élevée une belle voûte gothique flamboyante décorée de fresques.


 

A présent, rendons-nous à Wissembourg proprement dit. Après nous être garés sur le parking offert aux touristes, nous pénétrons dans le centre-ville par la Rue de l'Agneau, où, au bout de cinquante mètres, l'on tombe nez à nez avec cette curieuse maison au pignon des plus étonnants... Il s'agit sans doute de deux anciennes maisons aux pignons perpendiculaires, que l'on a fini par rassembler.

 

En arrivant sur la Rue Nationale, nous nous retrouvons sur l'artère principale de la ville. Les anciennes maisons à pans de bois accompagnent les pas des visiteurs, jusqu'à arriver devant ce monumental gouttereau en grès rose. Il s'agit de la Maison Holzapfel, dite Bürgerhof. Les faux mâchicoulis, les poivrières d'angle, le portail en arc brisé, les baies géminées  du dernier niveau sous combles, ramènent à l'époque médiévale. La bâtisse date en effet du début du XVIè siècle. Au-dessus de la porte cochère, une sculpture rassemblant les armes de l'Empire, et de la ville, tenues par un homme sauvage, est daté de 1506, et souligné de l'inscription "der Bürger Hoft".



En continuant sur notre route, nous arrivons sur la Place de la République.

Entourée de vieilles maisons au charme pitorresque, la place est dominée par le beffroi de grès rose de l'Hôtel de Ville, reconstruit au milieu du XVIIIè siècle sur les plans de Joseph Massol. Le style typiquement Louis XV, qui tranche sur les hauts pignons et les colombages très germaniques, est un manifeste du rattachement de Wissembourg à la France.


 

Nous voici à présent à l'aplomb de l'ancienne clôture de l'abbaye, aujourd'hui disparue de ce côté. La silhouette puissante de l'Abbatiale Saints-Pierre-et-Paul rappelle sa grandeur passée. La toiture torse qui semble avoir existé au Moyen-Age a depuis lors disparu et a été remplacée par des surfaces plus simples. Nous reviendrons plus tard devant ce majestueux édifice gothique, le second plus grand d'Alsace après la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg...


... en attendant, poursuivons notre promenade le long des quais, omniprésents dans la vieille ville.

De l'autre côté de la Lauter, les belles maisons du Quai Anselmann. Les deux maisons à pans de bois remontent fort probablement au XVè siècle. Notez l'assemblage très particulier des colombages, que l'on ne retrouve plus à partir du XVIè siècle.

En tous retournant, voici que nous apparaît une curieuse maison, dont l'oginalité des toitures vous échappe en passant juste dessous, arrivant depuis l'Hôtel de Ville : c'est la Maison du Sel. Celle-ci remonte semble-t-il au milieu du XVè siècle (1448 ?) et servit tour à tour d'hôpital, d'abattoir et de grenier à sel. De la vocation originelle subsiste la salle des malades, tandis que les percements des façades ont été remaniés au XVIIIè siècle. Pour en profiter sans fin, pourquoi ne pas vous installer là pour boire une bière bien fraîche, ou à défaut un café ou un soda ? Le cadre n'a là, rien à envier à aucune autre ville d'Alsace...


 

En vous relevant, vous apercevrez au 2 du Quai Anselmann, ce beau portail Renaissance daté de 1540, surmonté d'un balcon et des armes de la famille propriétaire, les Vogelsperger. Au bout du quai, un imposant pignon du XVè siècle, aux pans de bois essentiellement verticaux et sans décharge -caractéristique très singulière en Alsace- abritait un établissement de bains. A hauteur de celui-ci, nous prenons à droite pour nous rendre à l'Eglise Saint-Jean-l'Evangéliste, non moins singulière...


 

Cette église, aujourd'hui dédiée au culte protestant, remonterait au VIIIè siècle. L'avant-choeur et le clocher restent d'époque romane tandis que la nef, le transept et le choeur datent du XVè siècle et sont en style gothique, et possèdent la particularité d'être dotées d'un pignon avec demi-croupe et une partie supérieure en colombage. A l'intérieur, l'on peut découvrir des fresques du XIIIè siècle et une chaire Renaissance, tandis que derrière l'église est rassemblée une belle collection de pierres tombales du XIIIè au XVIIè siècle.

Derrière l'Eglise Saint-Jean-l'Evangéliste, nous découvrons un impressionnant glacis qui en fait, s'avère être la partie intérieure du solide rempart, ainsi bien à l'abri des assauts de l'artillerie. Le sommet du glacis est un lieu de promenade appréciable, du haut duquel le panorama sur la ville, avec ses toits abrupts et ses clochers altiers, s'offre à qui se laisse le temps de le contempler...




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